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Réduction des pesticides : le tour de passe-passe du gouvernement pour verdir son bilan

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Réduction des pesticides : le tour de passe-passe du gouvernement pour verdir son bilan
Alban Leduc
7/5/2024

‍C’est un détail, mais il a son importance. Pour parvenir à atteindre son objectif de réduction de l’usage des pesticides de moitié d’ici 2030, la France change d’indicateur. Un nouveau volet du plan Ecophyto aux allures de trompe-l'œil, selon plusieurs scientifiques.

“Il n’y a aucun recul, on garde le cap !”, insiste le gouvernement ce lundi, lors de la présentation du nouveau volet du plan Ecophyto. Depuis son lancement il y a maintenant plus de quinze ans, la stratégie n’a pourtant jamais réussi à atteindre le fameux objectif de réduction de 50 % des usages des pesticides.

2018, 2025, 2030… Le cap n’a jamais cessé d’être repoussé, tandis que le budget alloué au programme a continué de gonfler. 800 millions d’euros ont été dépensés depuis 2009, interrogeant jusqu’à “la crédibilité de l’action publique”, selon l’inspection générale des finances, dans un rapport remis en mars 2021 au gouvernement.

Oui, mais promis juré, cette fois-ci c’est la bonne !

Par un tour de passe-passe, le gouvernement devrait cette fois-ci rapidement atteindre son ambition maintes fois repoussée. Après une “mise en pause et non un stop de la stratégie” face à la gronde des agriculteurs, le ministère a décidé d’abandonner l’indicateur de référence utilisé jusqu’à lors (le NODU), pour préférer l’instrument de mesure européen (le HRI-1), plus avantageux pour redorer le bilan français.

© Design Charlie Basset - La Corneille

Dans une prépublication mise en ligne le 3 mai, des scientifiques (dont certains membres du comité du plan Ecophyto) démontrent qu’il s’agit d’un leurre. D’après leurs calculs, le seul retrait du mancozèbe (un fongicide interdit en 2022, dont la baisse n’a donc pas encore été enregistrée) pourrait porter le HRI-1 à une réduction de quelque 43 % par rapport à la période de référence. Très proche, donc, de la cible de 50 % à l’horizon 2030.

Casser le thermomètre pour faire tomber la fièvre ?

Alors que le niveau du NODU est globalement stable depuis plusieurs années, le HRI-1 enregistre lui une certains baisse. Une façon de “modifier le thermomètre pour afficher un progrès qui n’en est pas un”, selon les associations environnementales, qui avaient décidées de claquer la porte des négociations en février dernier.

”Les ambitions environnementales sont au rendez-vous”, continue pourtant d’assurer le gouvernement, en préférant insister sur les 146 nouveaux millions d’euros de la planification écologique fléchés en 2024 pour la réalisation de cette stratégie. “Les mêmes qui nous disaient hier que ça n’allait pas, sont ceux qui veulent aujourd’hui ne rien changer”, avait taclé le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, auprès de La Corneille pendant le Salon de l’Agriculture.

Pour lui, cette nouvelle stratégie vise simplement à se mettre en accord avec les exigences européennes. “C’était prévu par l’Histoire, le règlement européen imposait de se doter d’un indicateur commun”, explique à La Corneille Christian Huyghe, directeur Scientifique Agriculture à l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), en ajoutant tout de même que “lorsqu’on change d’indicateur, c’est qu’on change aussi d’objectif”.

La bataille des indicateurs

Pour le gouvernement, l’ambition est de mieux prendre en compte les impacts sur la santé, en classant en quatre catégories les produits selon leur toxicité et leur réglementation. Le glyphosate - dont la substitution est envisagée - est ainsi affilié d’un coefficient 16. S’il venait à être interdit, il appartiendrait à la dernière catégorie et ses ventes seraient alors multipliées par un coefficient 64, pour matérialiser ses impacts.

© Design Charlie Basset - La Corneille

Or, un produit de remplacement équivalent aurait alors un faible coefficient (8) puisqu’il serait autorisé. Ce qui entraînerait une baisse artificielle de l’indicateur, contrairement au NODU, qui n’est pas dépendant des évolutions réglementaires. “Il y a effectivement des biais dans la façon dont le calcul est mené, qui doivent encore être corrigés”, reconnaît Christian Huyghe, qui a été missionné pour proposer aux autres pays membres des amendements à l’indicateur européen, afin de combiner “le meilleur des deux systèmes”.

Selon cet agronome, membre du Comité d’orientation stratégique et de suivi (COS) pour le plan Ecophyto, on se focalise sur le mauvais problème. Si nos résultats en matière de réduction des pesticides vont se doper artificiellement, “le problème reste de faire la deuxième moitié du chemin”, soit réduire de près de 20% nos usages et impacts en six ans, et “le mur va être extrêmement dur”. En effet, pendant ce temps, du microorganisme, aux crustacés, en passant par nous, les êtres humains, l’ensemble du vivant souffre de l’utilisation de pesticides dans les champs. Comme nous le racontent une dizaine de scientifiques dans notre série sur “La Riposte du vivant”, il y a urgence à agir.

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