La corneille - Logo header

Festivals de musique : fausse note pour la biodiversité ?

Éclairer
Festivals de musique : fausse note pour la biodiversité ?
Charlotte Tamisier
20/6/2024

Si l’empreinte carbone des festivals de musique est de plus en plus abordée, on s’intéresse moins à leur empreinte sur la biodiversité. Pourtant, de la destruction d’habitats naturels aux perturbations d’espèces, les évènements musicaux peuvent avoir de graves conséquences sur le vivant. Depuis quelques années, les chercheurs et festivals commencent à se pencher sur la question.

Installation de scènes, de stands ou d’airs de camping, la préparation d’un festival de musique peut dégrader, voire détruire des habitats naturels. En 2022, l’organisation d’un festival de musique sur la plage au Portugal a entraîné la disparition de 35 % de la communauté végétale existante. Une modification du paysage préjudiciable autant pour la flore que pour la faune locale, selon les chercheurs.

Lors de la tenue du festival lui-même, le bruit, les lumières et la fréquentation du site peuvent aussi déranger les espèces. Les festivals de musique modifient notamment les paysages sonores de l’environnement dans lequel ils se tiennent : de quoi perturber l’ensemble du vivant et en particulier les animaux. Une étude italienne, par exemple, a observé à court terme une baisse de la diversité des oiseaux sur la zone littorale où se tenait un festival en 2019.

Cependant toutes les espèces ne seraient pas logées à la même enseigne. Il semblerait que celles qui émettent des sons aux mêmes fréquences que celles des musiques diffusées lors des festivals soient les plus impactées, comme l’ont montré des chercheurs britanniques en 2023. D’après leur étude, les chauves-souris du groupe d’espèces Nyctalus/Eptesicus enregistraient une baisse de leur activité de 47% lorsqu’elles étaient exposées à de la musique forte émise à des fréquence similaires aux leurs. Ce qui n’était pas le cas d’autres espèces étudiées capables, elles, de moduler la fréquence de leurs signaux sonores (cris d’écholocation).

Quelles obligations pour les organisateurs ?

Pour faire la fête sans détruire la nature, il faut d'abord penser à l’emplacement. En effet, le site sur lequel se déroule le festival peut être soumis à des réglementations afin de préserver les espaces et espèces protégés. Le Ministère de la Culture a renforcé cette idée en 2021 dans sa Charte de développement durable pour les festivals dont l’objectif 6 :

vise à minimiser l’impact des manifestations sur leur environnement" [et rendre] “le site dans un état identique ou amélioré par rapport à son état initial.”

Un objectif un peu flou” nous confie Rudy Guilhem-Ducléon, chargé de mission développement durable pour le Collectif des festivals, une association bretonne qui accompagne les structures culturelles dans leur transition écologique et sociale. Selon lui, les contraintes environnementales qui pèsent sur les organisateurs de festivals de musiques restent aujourd’hui assez “anecdotiques”.

Néanmoins, de plus en plus de structures s’engagent pour préserver le patrimoine naturel des sites occupés. Le festival Astropolis, qui a lieu dans le bois de Keroual, près de Brest, s’engage par exemple à préserver la flore, en particulier les arbres centenaires en travaillant en partenariat avec les services des Parcs et Jardins de la ville.

Un petit pas en faveur de la biodiversité

Pollution sonore et lumineuse pour les animaux, le festival de musique We love green qui se tient début juin à quelques kilomètres de Paris, dans le bois de Vincennes, est sous le feu de nombreuses critiques. Pour démêler le vrai du faux, les organisateurs du festival ont missionné des cabinets de conseil pour évaluer l’impact de l’événement sur les oiseaux, les chauves-souris, la flore et les sols. Une étude présentée comme “pionnière” par le festival.

Pour les oiseaux, le travail des écologues vise à comprendre si le festival coïncide avec la période de nidification et s’il a un impact sur la mortalité des individus et sur leur reproduction. L’étude se concentre notamment sur une espèce dont le suivi est plutôt facile : la mésange charbonnière. Pour ce faire, 30 nichoirs ont été installés sur le site du festival et autour.

Côté chauves-souris, des capteurs d’ultrasons ont été mis en place afin de mesurer les cris d’écholocation avant, pendant et après les festivités. Ils doivent permettre d’évaluer s’il y a “des impacts du festival, sur l’activité de chasse et de transit des chauves-souris” indique Fabien Claireau, chercheur associé au centre d’écologie des sciences et de la conservation (CESCO) qui accompagne la réalisation de cette étude d’impact. Enfin, pour la végétation, des relevés floristiques sont également menés pour évaluer les conséquences du piétinement du sol par les festivaliers notamment.

Pour le moment, beaucoup de ces questions restent en suspens, car les données recueillies doivent désormais être analysées. Cependant, cette initiative n’est pas passée inaperçue. “On suit de très près cette étude” confirme à La Corneille Rudy Guilhem-Ducléon. “Les protocoles qu’on a mis en place sont très facilement réplicables” nous répond Hortense Serret, écologue, docteur en écologie et fondatrice du cabinet Nabi Ecology. Pour elle, il serait même très intéressant de lancer un programme de recherche sur plusieurs festivals en France. À bon entendeur !

Festivals de musique : fausse note pour la biodiversité ?
Charlotte Tamisier
À découvrir

Dans la même rubrique

Éclairer

a black and white photo of an orange object

Uciaes ilis eturi beaqui ut fuga. Luptatqui dolupictate pellorent.
Arum ea sedis sin estinum laut idelibus nosto eicatib erumet
Uciaes ilis eturi beaqui ut fuga. Luptatqui dolupictate pellorent.