À la COP 16 biodiversité, la thune est au centre des débats
Quels mécanismes pour que les pays du Nord puissent aider financièrement les pays du Sud à protéger la biodiversité ? C’est un des sujets majeurs de la COP 16 biodiversité de cet automne. Alors que les fonds internationaux se multiplient, il est question d’en créer un nouveau.
Des fonds sans fin. Près de 2 600 milliards de dollars d’argent public participent chaque année à détruire la biodiversité dans le monde. Les besoins de financement pour la protéger, sont eux estimés à plusieurs centaines de milliards de dollars par an. Une équation dont les États ne parviennent toujours pas à trouver la solution.
Le fonds créé il y a un an, déjà obsolète ?
On pensait avoir trouvé une piste avec la création d’un nouveau fonds international pour la protection de la biodiversité suite à la conférence des parties (COP) sur la biodiversité de Montréal. Moins d’un an après sa mise en place, il est pourtant déjà question d’en créer un nouveau. Contributions trop faibles des États, manque d’indépendance et d’efficacité ; un certain nombre de pays du Sud profitent de la COP 16 de ce mois d’octobre pour alerter sur les limites du dispositif.
Le Global Biodiversity Framework Fund - de son petit nom - avait pourtant déjà fait l’objet d’âpres négociations. Le 14 décembre 2022, en plein sommet, les représentants de plus de 60 pays du Sud avaient notamment quitté les discussions en signe d’opposition. Ils demandaient de ne pas donner les clés de cette nouvelle cagnotte au Fonds pour l'environnement mondial (FEM) - un vieux machin onusien des années 1990 imposant aux bénéficiaires des exigences bureaucratiques très onéreuses pour les États les plus pauvres.
Dans l’optique d’éviter les nombreuses années nécessaires à l’invention d’une nouvelle ingénierie financière, il a quand même été décidé d’héberger le nouveau mécanisme de financement dans cette ancienne institution.
Malgré les promesses, il manque encore beaucoup d’argent
Mais cette fois-ci n’est pas pareil, plaident les États de la Convention sur la diversité biologique (CBD). Présenté comme “une nouvelle donne pour la biodiversité”, ce fonds se veut innovant et à forte valeur ajoutée pour mobiliser plus de co-financement, public et privé. L’argent collecté provient aussi bien des banques de développement, que des paiements directs des pays riches vers les pays pauvres. Concrètement, il vient tout juste de réunir environ 400 millions de dollars et a pour le moment financé quatre projets, au Brésil, au Mexique et au Gabon. “En moins d'un an, le fonds est passé du stade de lancement à la concrétisation efficace”, claironne le site de l’institution.
Oui, mais les sommes collectées sont pourtant bien loin des 200 milliards de dollars par an promis par les États d'ici 2030. D’autant plus que ces sommes doivent permettre aux pays en développement de mettre en œuvre efficacement des politiques de protection de la biodiversité. À la fois gardiens et dépendants de la majorité des richesses biologiques de la planète, ces pays sont généralement en manque de capacité financière ou de cadres institutionnels pour mettre en place des mesures de protection.
Aujourd’hui, les grands pays émergents, comme le Brésil ou l’Indonésie, captent la majorité des capitaux, tandis que les pays les moins avancés ne disposent pas toujours des capacités d’expertises pour y accéder. Les représentants africains demandent ainsi la création d’un nouveau fonds pour régler ces problèmes d’accès.
Pour la COP16, trois options sont donc sur la table des négociations :
- Créer un nouveau fonds complètement indépendant
- Attendre la COP17 pour faire le point sur le dispositif actuel qui a été mis en place très rapidement et éventuellement le modifier.
- Rester avec ce statu quo valable jusqu’en 2030
Des financements sur mesures
Au-delà des dispositifs, la question de la répartition de l’argent fait aussi débat. En même temps que la COP16 biodiversité, se tient à Washington un sommet entre la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI). Au menu des discussions : la réforme des institutions financières internationales.
“L’enjeu est de garantir l'accès à la finance des pays du Sud pour une transition juste et ainsi aider les populations les plus vulnérables et dépendantes des écosystèmes”, explique Juliette Landry, experte biodiversité pour l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI). Les organisations internationales tentent notamment de changer leurs pratiques pour ne plus imposer des actions, mais plutôt venir en soutien à des politiques portées par les États. Ces partenariats qualifiés de “Country platforms” ont par exemple permis au Sénégal de financer sa transition énergétique sur le long terme.
Certains pays mettent aussi en avant leurs propres programmes pour financer la protection de la nature. Le Brésil mise par exemple sur la “bioéconomie” pour remplacer les activités fossiles par l'agriculture, la bioénergie et la biotechnologie. La Colombie profite quant à elle de l’organisation de la COP16 dans son pays pour capitaliser sur le pacte de paix conclut avec les forces armées révolutionnaires. Engagé pendant 50 ans dans un conflit interne, le pays veut aujourd’hui sortir du pétrole pour réinvestir vers la paix et la petite agriculture. Il espère rassembler près de 40 milliards de dollars pour financer cette transition. En échangeant sur les solutions pour protéger la biodiversité, les États vont donc d’abord parler gros sous.