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La riposte des mammifères

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La riposte des mammifères
La Corneille
5/3/2024

Sur terre comme dans les mers, les mammifères présentent une importante accumulation de substances dangereuses issues des pesticides. Pourtant, il reste compliqué d'appréhender leurs réels effets sur la santé.

Cet article fait partie de notre série "La riposte du vivant" qui explore les conséquences de l'utilisation de pesticides sur la biodiversité.

À cette occasion, dix scientifiques se font les messagers d’une espèce à travers une lettre imaginée en provenance du front.


Un texte écrit par Wilfried Sanchez directeur scientifique adjoint à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer)

La riposte des mammifères

“Si j’avais su…” Sur un site canin spécialisé, Pauline Ollivier témoigne de sa douleur après avoir perdu son chien Iota, intoxiqué par des pesticides ingérés via la rosée lors d’une ballade. “Si un chien de 25kg peut s’empoisonner comme ça, il y a matière à s’interroger”, alerte-t-elle.

Une inquiétante accumulation chez les mammifères terrestres

Un cas fréquent, qui illustre les conséquences de l’utilisation de pesticides que peuvent subir tous les mammifères. Selon une étude menée en Italie entre 2011 et 2013, les pesticides sont responsables de 37% des demandes de renseignements pour empoisonnements. La majorité des cas concernent les chiens et résultent de l’observation de substituts de glyphosate.

Comme nous, presque tous les mammifères sont en contact avec des résidus de pesticides d’une façon ou d’une autre. L’une des plus vastes études menées à ce jour a retrouvé des traces de molécules de pesticides sur 92% des 136 animaux sauvages testés. Malgré le manque de données, les scientifiques observent une vulnérabilité importante des mammifères aux pesticides par rapport aux autres catégories du vivant, du fait de l’accumulation des substances au cours de la chaîne alimentaire.

Par exemple, les campagnols empoisonnés à la bromadiolone -un anticoagulant destiné à éradiquer les rongeurs - sortent de leurs terriers pour aller mourir à la surface afin de ne pas contaminer leurs congénères. Ils sont alors la proie de rapaces (buses, milans, … ) et de petits carnivores (les mustélidés comme les renards, voire les sangliers et les blaireaux) qui se retrouvent eux-mêmes mortellement intoxiqués. La consommation répétée de proies intoxiquées conduit ainsi à la concentration des pesticides, non biodégradables dans l’organisme des prédateurs. Des organochlorés comme le DDT ou le lindane interdits depuis plusieurs décennies se retrouvent par exemple toujours dans les graisses des ours polaires.

Double peine pour les mammifères marins

Un effet encore plus marqué pour les mammifères marins carnivores, au sommet de la chaîne alimentaire. La baleine est par exemple considérée comme un animal “bioaccumulateur”. Le plancton emmagasine les pesticides en filtrant l'eau, et est ensuite ingéré par la baleine qui garde pendant très longtemps ces polluants dans son organisme. Le Japon, qui importe de la viande de baleine depuis la Norvège, est ainsi régulièrement obligé de jeter les carcasses à cause de taux de pesticides trop élevés.

Contrairement à leurs homologues terrestres, les lamantins, dauphins, baleines et phoques auraient en plus perdu un mécanisme majeur de défense contre les effets neurotoxiques, révèle une étude publiée en 2018 dans la revue Science. Selon les scientifiques, l’évolution leur a permis de s’adapter aux conditions extrêmes des fonds marins, mais n’avait pas prévu l’arrivée rapide et massive des pesticides. Ainsi, les pesticides ont été reconnus comme un facteur aggravant des échouages massifs de dauphins rayés (Stenella coeruleoalba) sur les côtes méditerranéennes françaises entre 2010 et 2016.

La chauve-souris, le mammifère des mauvais présages

Parmi les mammifères, les chauves-souris se classent également parmi les plus impactées par l’usage de pesticides. Leurs caractères uniques comme la localisation par ultrasons en font aussi des victimes parfaites pour les composés neurotoxiques. Il a, par exemple, été montré que l’exposition répétée à un pesticide de la famille des néonicotinoïdes chez une espèce de chauve-souris asiatique (Hipposideros terasensis) provoque une altération de ses déplacements. Certaines molécules modifient également leur système immunitaire pendant l’hibernation ce qui favoriserait le développement du champignon responsable du syndrome du nez blanc. Une maladie qui fait craindre la destruction de certaines espèces en Amérique du Nord.

Des conséquences difficiles à évaluer

Si la présence de pesticides dans les organismes de mammifères est largement documentée, difficile de décrire avec précision leurs effets. Très peu d’études ont été menées en milieux naturels. Seules certaines recherches en laboratoire ont permis de montrer que l’exposition des animaux vertébrés aux néonicotinoïdes peut provoquer une baisse de la production de spermatozoïdes, une augmentation des fausses couches ainsi que des anomalies du squelette chez les rats ; une suppression de la réaction immunitaire des souris et une augmentation des fausses couches et des naissances prématurées chez les lapins. Des animaux souvent utilisés en recherche pour leur proximité avec l’humain…

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