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La riposte des oiseaux

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La riposte des oiseaux
La Corneille
29/2/2024

Un quart des oiseaux communs d'Europe ont disparu à cause des pesticides. Un déclin silencieux pourtant bien documenté que nous vous proposons de découvrir à travers une lettre du point de vue d'un moineau en provenance d'une plaine céréalière.

Cet article fait partie de notre série "La riposte du vivant" qui explore les conséquences de l'utilisation de pesticides sur la biodiversité.

À cette occasion, dix scientifiques se font les messagers d’une espèce à travers une lettre imaginée en provenance du front.

Texte écrit par Ségolène Humann-Guilleminot, chercheuse postdoctorante à l’université Radboud aux Pays-Bas.

Le printemps silencieux, prédit par Rachel Carson en 1962, serait-il sur le point d’advenir ?

50 ans après l’alerte envoyée par la biologiste, le poison des pesticides continue de décimer les populations d’oiseaux. Si le DDT, puissant insecticide pointé du doigt par l’autrice américaine, a depuis été interdit, ce sont chaque année des centaines de nouvelles substances qui sont lancées sur le marché.

Pesticide, ennemi numéro un des oiseaux communs

Malgré des années d’observations et de multiples alertes, il a fallu attendre 2023 pour officiellement affirmer que le déclin des oiseaux communs en Europe est principalement dû à l’utilisation de pesticides. “On n’a pas inventé la poudre”, sourit Stanislas Rigal, l’un des auteurs de cette étude qui a reçu en récompense rien de moins que le prix Jeunes Chercheurs. “Il y avait bien sûr un faisceau de preuves, ce que notre étude a rajouté, c'est d’analyser de façon comparative les différentes pressions.”

Toutes espèces confondues, en quarante ans, l’Europe a perdu un quart de ses oiseaux. Le plus grand groupe de vertébrés terrestres en termes de nombre d'espèces a ainsi vu son nombre d’individus s’alléger de 800 millions. Un massacre silencieux aux multiples ramifications.

Un poison aux multiples conséquences

Insectes, eau et même graines directement enrobées d’engrais, les oiseaux ingèrent énormément de molécules chimiques. “Sur les 600 oiseaux que nous avons étudiés, tous étaient contaminés par au moins un néonicotinoïde”, explique Ségolène Humann-Guilleminot qui a travaillé pendant plusieurs années sur les moineaux. La présence de cette classe d’insecticide, définitivement interdite il y a un an, a été analysé grâce à des prélèvements de plumes. “De la poussière toxique se dépose sur les plumes, les oiseaux se nettoient et les produits peuvent alors se retrouver dans le sang. À chaque mue, ce qui se retrouve dans le sang, se retrouve dans la plume”, détaille la chercheuse au Muséum national d’histoire naturelle.

Résultat, les oiseaux connaissent une baisse de fertilité, un vieillissement plus rapide des cellules et parfois une perturbation de l'efficacité du vol et de l’orientation. Certains pesticides peuvent par exemple agir comme coupe-faim pour certaines catégories de passereaux. En incapacité de stocker de la graisse, cela peut alors compromettre leur trajet de migration. “Le simple fait de savoir que les oiseaux sont contaminés, ça veut dire qu’il y a un problème”, avertit Ségolène Humann-Guilleminot.

Quand la nourriture vient à manquer

Et ce n’est pas tout. Les oiseaux friands d’insectes - les insectivores - ont aussi de moins en moins de nourriture à se mettre sous la dent. En Amérique du Nord, une récente synthèse a montré que les réductions d’abondance d’insectes causées par l’utilisation de produits phytosanitaires diminuent les capacités d’envol, de survie dans les airs, et l’équilibre de masse corporel en dehors de la saison de reproduction. ”Pendant la période de reproduction, les oiseaux font leur nichée et avec l’éclosion, il faut de la nourriture. La majorité a besoin d’insectes, même s’ils mangent principalement des graines”, explique Stanislas Rigal, chercheur à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier.

Pour tous, mieux vaut donc ne pas vivre aux abords des zones agricoles. C’est ici qu’a lieu la majeure partie des pertes, s’accordent à dire les études. Une réalité encore plus éclatante en Europe, où nous aurions déjà perdu plus de la moitié des oiseaux communs vivants en milieux agricoles (−56,8 %).

Au milieu de ce chaos, de rares espèces réussissent à tirer leur épingle du jeu, en connaissant une stabilité voir une augmentation de leur population. C’est le cas de certains colombidés et corvidés, qui ont l’avantage de présenter un régime alimentaire généraliste, plastique et opportuniste. Un maigre espoir, puisqu’en retour, ces volatiles se retrouvent souvent chassés pour leurs méfaits réels ou fantasmés sur les cultures. Pourtant, lors du centenaire de la signature du Traité sur les oiseaux migrateurs en 2018, le biologiste Thomas Lovejoy prévenait déjà : "si l'on prend soin des oiseaux, on résout la plupart des problèmes environnementaux dans le monde”.

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