La riposte du vivant
À l’occasion du Salon de l’Agriculture, La Corneille donne la parole à la biodiversité. Découvrez la réalité des pesticides sur le monde vivant, à travers les courriers de nombreuses espèces en provenance du front.
Les mots du monde sauvage sur les maux d’un ravage
Chers toutes et tous,
Au milieu du cirque médiatique où les numéros s’enchaînent au salon de l’Agriculture (voir notre reportage). Nous avons voulu calmer le débat. Le rendre plus sensible et poser les termes.
Une guerre fait rage contre la nature.
Dès les années 1960, la biologiste Rachel Carson qualifiait ainsi les risques sur l’environnement d’une utilisation à outrance des produits phytosanitaires sur l’environnement.
Des centaines de nouvelles molécules par an, l’effondrement de branches entières du vivant et un poison se répandant jusque dans les corps des nouveaux nés ; les effets collatéraux de l’utilisation des pesticides se rapprochent bien des caractéristiques d’un massacre.
Pourtant, cinquante ans plus tard, aucun cessez-le-feu ne semble s’esquisser. Pire, malgré des objectifs maintes fois renouvelés et des millions d’euros dépensés, les gouvernements européens entament un dangereux retour en arrière.
Lors de l’ouverture du Salon de l’agriculture, vendredi 16 février, Emmanuel Macron s’est dit prêt à se battre pour ”rouvrir au niveau européen” des autorisations de pesticides interdits et pour accélérer en France les procédures de dérogation d’usage de certaines molécules.
Pas un mot pour une Terre et des êtres qui se verront vouer à accueillir les munitions d’un système créer pour détruire.
Face aux choses que l’on tait et à celles que l’on ne connaît que trop bien, nous proposons au vivant de riposter.
Plusieurs espèces prennent ainsi la plume (par le biais de scientifiques qui les connaissent le mieux) pour décrire ce qu’il se passe sur le front de cette guerre où les pesticides ont remplacé les balles.
De la perte de nourriture, à la maladie, en passant par l’incompréhension : il s’agit d’une rare occasion de devenir, tel qu’imaginé par Baptiste Morizot, des diplomates du vivant. Changer de regard et recréer de l’empathie pour ces êtres que l’on ignore trop souvent.
“Nous restons sur une trajectoire qui rend nos milieux biologiques et nos systèmes culturaux toujours plus pauvres”, a averti vendredi Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et architecte du plan de réduction des pesticides Ecophyto.
“Il nous faut étoffer nos connaissances sur les régulations biologiques, la diversité microbienne, les déplacements des insectes…”, a-t-il ajouté, alors que le gouvernement souhaite simplement changer d’indicateurs.
La connaissance est pourtant là.
En 2022, un rapport financé par le plan Ecophyto (lui-même) permet d’identifier les conséquences de l'utilisation des pesticides sur la biodiversité.
Pendant deux ans, 46 experts issus de 19 organismes de recherche, dont l’Inrae et l’Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), ont synthétisé les connaissances scientifiques sur le sujet.
Pollution chimique, altération des comportements et de la fertilité ; la guerre contre la nature n’a jamais été autant d’actualité. Cause majeure du déclin des invertébrés terrestres dans les zones agricoles, les pesticides affectent tous les milieux, des sols aux cours d’eau, en passant par les mers et océans.
Un tableau noir, proche de celui dépeint par Rachel Carson en son temps, que La Corneille remet aujourd’hui en avant.
Prenons le temps de nous rendre compte des liens tissés minutieusement entre agriculture et vivant. Ne blâmons pas l’ensemble des agriculteurs, mais plutôt les lobbies de l’agro-industrie et nos politiques complices de cette course en avant. Enfin, appuyons-nous sur le consensus scientifique pour sortir de cette spirale mortifère.
Puisse cette riposte, nous éviter de vivre des printemps silencieux.
Bien à vous,
La Corneille
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