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Au Salon de l’agriculture, la biodiversité peine à trouver sa place

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Au Salon de l’agriculture, la biodiversité peine à trouver sa place
Alban Leduc
28/2/2024

Entre attractions de l’agro-industrie et interventions plus timides sur la biodiversité, le 60ème salon de l’agriculture symbolise l’écart entre deux modèles d’agriculture radicalement différents. Les ministres en visite cette semaine semblaient avoir choisi leur camp.

Vers de terre contre vache laitière. Les yeux plantés dans un télescope, Romane s’enthousiasme devant la rangée de terre fraîche qu’elle est en train d’observer. Champignons, larves, microorganismes…”c’est fou de les voir de si près”, s’extasie la jeune-fille sur le stand de l’Agence de la transition écologique (Ademe), au parc des expositions à Paris.

À quelques mètres de là, les représentants politiques préfèrent poser à côté des vaches de plusieurs tonnes, des cochons entassés ou des chiens en cage. À côté des énormes stands du syndicat majoritaire agricole FNSEA ou du ministère de l’Agriculture, il faut dire que celui consacré à la biodiversité et la mer fait pâle figure. “Ce n’est pas la fréquentation qui nous importe”, se défend sur place Sylvain Pelegrin, directeur du pôle de formation maritime pour le ministère de la Mer. “L’objectif, c'est d’attirer des visiteurs dans le vivier des gens du métier et de rencontrer des prescripteurs.”

Le stand du secrétariat d’État chargé de la mer et de la biodiversité se trouve au fond d’une allée et très réduit par rapport à celui du ministère de l’Agriculture. - Alban Leduc/La Corneille

Des administrations aux supermarchés, en passant par les banques ou les fast-foods, chaque structure tente en effet de tirer parti de cette grande foire, qui célèbre ses 60 ans cette année. Dans ce folklore français, le vivant dans sa diversité peine à se démarquer.

Le salon des régressions environnementales ?

La biodiversité est pourtant aussi utile à l’agriculture que les vaches, semences ou machines. Une réalité oubliée par le gouvernement dans sa réponse à la colère du monde agricole, d’après 1 000 scientifiques, qui considèrent dans une tribune ces annonces comme “une régression pour l’environnement et la santé”. Entre deux stands et une séance selfie, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu réfute tout repli. “Nous n’avons pas changé de politique sur les pesticides. Nous n’avons pas autorisé de nouvelles molécules, nous n’avons pas enlevé de restrictions sur les zones d’épandage”, se défend-il auprès de La Corneille. À propos du changement d’indicateur décidé pour le plan de réduction des pesticides Ecophyto, il fustige “les mêmes qui nous disaient hier que ça n’allait pas et qui veulent aujourd’hui ne rien changer”.

Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires rejette l'accusation de "régressions environnementales", portée par près de 1000 scientifiques. - Alban Leduc/La Corneille

“C’est gonflé”, souffle Sylvie Colas, porte-parole de la Confédération paysanne, alors en pleine action contre Lactalis pour pointer du doigt la mauvaise rémunération des éleveurs. ”On sait très bien que l’année prochaine, ils vont pouvoir annoncer une baisse des pesticides grâce à ce changement”, prédit l’agricultrice, qui dénonce un déni de la profession. “Les produits phytosanitaires sont des béquilles économiques sur les exploitations. S’en passer ne se décrète pas, ça s’accompagne.”

Le bio n’est plus à la mode

Un sujet pour lequel tous les syndicats agricoles semblent s’accorder. À l’occasion d’une table-ronde organisée par la FNSEA, les intervenants déplorent un ralentissement de la demande en produits bio, alors que les modèles ont pu prouver leur efficacité. “Les agriculteurs labellisés en bio sont plus épanouis, moins stressés. Nous ne sommes pas tout à fait concernés par un certain nombre de sur-réglementation”, indique ainsi Loïc Guines président de la commission Bio aux Chambres d’agriculture France.

“Une fois qu’on a mis les mains dans la conservation des sols, c’est dur de s’en passer”, confirme Benjamin Vecten, agriculteur dans l’Yonne. “C’est compliqué, il ne faut pas se le cacher, mais c’est aussi un bonheur de replanter des haies, poser des nichoirs ou essayer d’implanter des bandes fleuries.”

Des slips dégradés par les sols sont exposés par l’Association pour la promotion d'une agriculture durable pour montrer la différence entre un sol conservé ou non. - Alban Leduc/La Corneille

Sur le stand de l’Association pour la promotion d'une agriculture durable à laquelle il est affilié, trois slips en coton sont présentés. Comme une métaphore du salon de l’agriculture et de ses différents courants, deux d’entre eux ont été enfouis dans le sol plusieurs mois. Le troisième, neuf, joue le rôle de témoin. Le premier presque intact provient d’un sol labouré. Le second, en lambeaux, représente un sol restauré où la diversité des espèces agit comme dépolluant. Entre ces deux slips, ou ces deux options, à nous de choisir ce que nous souhaitons pour l’avenir de notre agriculture.

Cet article fait partie de notre série "La riposte du vivant" qui explore les conséquences de l'utilisation de pesticides sur la biodiversité. À cette occasion, dix scientifiques se font les messagers d’une espèce à travers une lettre imaginée en provenance du front. Découvrez-les juste ici.

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