Comment faire la paix avec la nature ?
La Colombie s’appuie sur l’accord de paix signé en 2016 avec les forces rebelles pour se placer à l’avant-garde de l’écologie. Un modèle de “paix avec la nature” qu’elle tentera de mettre en avant lors de la COP 16 biodiversité.
Un million d'hectares de forêt ont disparu de Colombie, en seulement 50 ans. C’est le bilan moins connu du demi-siècle de conflits entre le gouvernement et les différentes guérillas marxistes dans ce pays d’Amérique du Sud. Financés par le trafic de cocaïne et les mines illégales, ces groupes ont largement eu recours à la déforestation pour notamment tracer des routes ou des pistes d’atterrissage au milieu de la forêt amazonienne.
Mais de manière contradictoire, la guerre civile a aussi permis de préserver certains espaces, car personne ne se risquait à exploiter les forêts, où étaient cachés les rebelles. D’importantes forêts, hauts plateaux, montagnes et zones maritimes sont désormais ouverts à l’exploitation. Un énorme défi pour le pays.
À l’occasion de la COP 16 Biodiversité, la Colombie plaide donc pour faire la “paix avec la nature”. Une initiative qui permet de mettre en avant l’accord signé avec les Forces armées révolutionnaires (FARC) pour opérer une réelle transition. Dès la mise en place du processus en 2016, des scientifiques sont allés répertorier la diversité biologique des écosystèmes fermés depuis 50 ans. Des anciens guerriers rebelles ont également été formés pour devenir des sentinelles de la nature. Objectif, placer le pays à l’avant-garde des politiques écologiques.
Pour la première fois, des chefs d’État font le déplacement
La Colombie est ainsi devenue le premier pays producteur de pétrole à rejoindre une alliance appelant à la fin des combustibles fossiles. Porté par une ministre de l’Environnement active - ancienne employée repentie du géant pétrolier Shell - le pays entend promouvoir la protection de la biodiversité, l'agriculture durable, l'éco-tourisme et des projets environnementaux, dans un vaste plan de près de 40 milliards de dollars. La conférence des nations unies vise aussi à mobiliser les États et entreprises à rejoindre cette initiative.
Et cela semble fonctionner. Alors qu’aucun chef d’État ne s’était jusqu’ici déplacé pour un sommet sur la biodiversité, la COP colombienne devrait en réunir huit. Aux côtés des pays du continent américain comme le Brésil, le Panama, le Honduras et le Mexique, les plus hauts représentants du Ghana et de la Guinée-Bissao ont prévu de faire le déplacement. Il se dit même qu’Emmanuel Macron pourrait être de la partie…
“Formellement, les décisions des COP sont traitées en avance, mais il y a aussi des rencontres qui se déroulent à côté et qui peuvent lancer des ambitions politiques avec les effets d’annonces. On n’a pas encore trop de vision sur ce qui va être organisé dans la section de haut niveau, mais vers la fin du sommet, les ministres et chefs d’Etats ont l’habitude de se rencontrer”, explique Juliette Landry experte de la gouvernance internationale sur la biodiversité à Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI). La présidence colombienne pourrait profiter de ce moment pour inviter les États à se pencher plus précisément sur le thème de la paix avec la nature.
Faire la paix avec les populations autochtones
Pour la Colombie, cette paix passe aussi par une coopération plus importante avec les populations locales et vulnérables à l’effondrement du vivant. Souhaitant mettre le sujet au centre des débats, le pays vient d’introduire un décret reconnaissant les peuples autochtones en tant qu'autorités environnementales sur leurs territoires. Une motion visant à renforcer leur rôle dans les échanges internationaux sur la biodiversité sera à l’étude lors du sommet. “La Convention de la diversité biologique a été pionnière dans la reconnaissance des droits et consentements de ces populations. C’est particulièrement intéressant, puisque réunis en coalition, les représentants essaient de sortir de la logique d’État”, observe Julette Landry. Ces discussions auront lieu dans unclimat sécuritaire très tendu. Des rebelles colombiens dissidents menacent en effet de perturber le sommet, rappelant que la paix est toujours fragile.