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La riposte des amphibiens et des reptiles

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La riposte des amphibiens et des reptiles
La Corneille
20/3/2024

En premières lignes face à l'utilisation des pesticides, les amphibiens et reptiles ne font pas partie des procédures d'homologation des produits. Progressivement, les scientifiques mettent pourtant à jour une contamination généralisée aux effets destructeurs pour la biodiversité.

Cet article fait partie de notre série "La riposte du vivant" qui explore les conséquences de l'utilisation de pesticides sur la biodiversité.

À cette occasion, dix scientifiques se font les messagers d’une espèce à travers une lettre imaginée en provenance du front.

Texte écrit par Leslie-Anne Merleau, doctorante à l’École Pratique des Hautes Études.

Les amphibiens et reptiles sont en première ligne face aux pesticides.

À la fois terrestres et aquatiques, ces deux classes de vertébrés sont confrontées à des résidus de produits chimiques de plusieurs milieux en même temps. Ne pouvant s'échapper rapidement des zones contaminées, elles sont également exposées aux produits durant de plus longues périodes que les mammifères et les oiseaux.

Des espèces très menacées, mais très peu connues

Pourtant, elles sont encore très peu étudiées et jusqu’à récemment ne faisaient pas partie des tests imposés pour l'homologation des produits. Une seule étude générale menée en 2016 a permis d’estimer qu’un tiers des espèces européennes de reptiles seraient menacées par une surexposition aux pesticides. Côté amphibien, le déclin des populations a été mis en relation avec des prévalences importantes de maladies, dont certaines pourraient être favorisées par l’exposition aux phytos du fait d’effets toxiques directs et d’effets collatéraux.

Les amphibiens et les reptiles font partie en France des vertébrés comptant le plus grand nombre d'espèces en danger. La pollution environnementale due aux activités humaines figure parmi les principales menaces. Parmi elles, l’exposition aux produits phytosanitaires serait directement liée à certains épisodes de mortalité, à des problèmes de développement et à des échecs de reproduction, y compris à des faibles doses et pour des substances actuellement utilisées.

“Perte de poids, diminution de la recherche de nourriture, modification des mouvements, altération de la reproduction, modification de la distribution des sexes”, énumère Laure Mamy, directrice de recherche à l’INRAE, tout en rappelant que “cela dépend des pesticides et des espèces, car certaines molécules sont moins toxiques que d’autres.” Ce qu’on sait aujourd’hui, c’est qu’un très grand nombre d’espèces présentent des quantités importantes de pesticides dans leur organisme.

Une pollution diffuse sur des dizaines d’années

Pour les grenouilles, les études se multiplient notamment en Amérique du Nord, où certains produits utilisés ont depuis été interdits en Europe, mais peuvent encore se retrouver dans notre environnement. Si l’on se focalisait jusque-là sur la contamination via la nourriture, la transmission par l’eau fait de plus en plus l’objet d’attention. En effet, la plupart des grenouilles retournent dans les milieux aquatiques pour se reproduire. Un moment critique où elles seraient plus exposées aux pesticides qu’en étant sur le sol. Pour les amphibiens aquatiques, l'ingestion d'aliments et/ou de sédiments contaminés reste la principale voie d'assimilation des pesticides.

C’est aussi via l’eau que Leslie-Anne Merleau, doctorante à l’École Pratique des Hautes Études, observe l’impact des produits chimiques sur les reptiles. Après plusieurs années d’observations sur deux populations de tortues aquatiques, des cistudes d’Europe (Emys orbicularis) en Camargue, elle y a retrouvé des résidus de 24 pesticides différents, issus de la culture rizicole voisine. “Il s’agit d’un important dosage de pesticides dans le sang, mais on ne peut pas encore savoir s'il y a des effets”, précise-t-elle, avec une question en tête : “quand on est un animal qui vit 30-40 ans, qu’est-ce que cela fait d’avoir des petites doses tous les jours pendant des dizaines d’années ?”

Car oui, en plus d’être particulièrement exposés, certains amphibiens et reptiles vivent plus longtemps que d'autres catégories du vivant. “Les effets de la pollution peuvent s’observer tardivement. Les individus peuvent se remettre assez vite d’un stress chimique lié aux pesticides, ça ne va pas les tuer tout de suite, mais il y aura peut-être des effets chroniques”, explique Leslie-Anne Merleau.

Moins de moustiques, c’est aussi moins de tritons

Les premiers effets visibles des pesticides seront alors plutôt l’objet de conséquences indirectes, comme la perte de nourriture. L’insecticide Bacillus thuringiensis israelensis (Bti) élimine par exemple certains moucherons et autres diptères. Il est largement utilisé dans la vallée du Haut-Rhin depuis les années 1970 pour réduire les nuisances causées par les moustiques. Deux catégories qui entrent dans les sources de nourriture principales des amphibiens, dont les tritons.

L’affaiblissement des populations de moustiques entraîne alors de gros problèmes d’approvisionnement pour reptiles et batraciens. D’autres implications similaires ont sûrement lieu pour leurs habitats et/ou zones de reproduction. Au-delà des pesticides, les amphibiens souffrent effectivement d’un effet cocktails de divers polluants, ainsi que d’une multitude de pressions allant des espèces exotiques envahissantes, au réchauffement climatique.

La riposte des amphibiens et des reptiles
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