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Biodiversité : les Etats tiennent-ils leurs promesses ?

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Biodiversité : les Etats tiennent-ils leurs promesses ?
Alban Leduc
21/10/2024

Tous les deux ans, les États multiplient les promesses pour protéger la biodiversité et oublient ensuite de les réaliser. La rencontre internationale de cette semaine fera-t-elle exception ?

“Le monde a encore un long chemin à parcourir”, souffle Ginette Hemley, responsable biodiversité de WWF-États-Unis. Grâce à son suivi des engagements internationaux, l’ONG constate que la majorité des pays qui se sont engagés en 2022 à agir pour la biodiversité n’ont pas tenu leurs promesses. Sur les 196 pays qui se sont engagés à soumettre des plans d'action nationaux en amont de la COP 16 qui débute cette semaine en Colombie, seule une vingtaine ont véritablement rendu leur copie et environ 60 ont simplement inscrit des objectifs nationaux, moins ciblés. “Si les pays n’arrivent pas à établir les longs documents de stratégies, ils peuvent à minima établir des cibles nationales pour que ça soit pris en compte dans une analyse réalisée pendant la COP”, explique Juliette Landry, chercheuse sur la gouvernance internationale de la biodiversité à l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

En plus du manque de stratégies, un certain nombre d’objectifs ne seraient pas assez ambitieux, selon le WWF. “Beaucoup semblent omettre des moyens clairs et cohérents de mesurer les progrès, ce qui entraîne un manque de responsabilité lors de la mise en œuvre des plans, l’un des principaux échecs des objectifs précédents”, écrit l’ONG après avoir classé chaque stratégie selon un barème (bien, mitigé, insuffisant).

Parmi les bons élèves, on retrouve la France qui a renouvelé sa stratégie biodiversité l’année dernière - avec tout de même quelques années de retard. Comme nous vous l’indiquions dans nos colonnes, cette feuille de route oubliait d’aborder des thématiques essentielles comme l’utilisation de pesticides ou le renforcement du statut d’aires protégées. Le WWF considère qu’elle remplit en général ses promesses avec une note de 94% sur la réalisation de ses ambitions, mais indique tout de même que “le financement du plan pourrait être insuffisant” et que “la mise en œuvre dépendra de la situation politique en France.”

Pas de chance, après une dissolution surprise, nous nous retrouvons avec un gouvernement sans secrétaire d’État dédié à la biodiversité, où la stratégie nationale est portée disparue.

D’autres pays font pire que nous, mais aussi souvent par manque de moyens. Insuffisance de financement, de données ou de stabilité politique, certains pays en développement peinent à en faire une priorité pour le moment. “Je préfère ne pas avoir toutes les stratégies à la COP 16, mais que les pays les abordent avec des cibles ambitieuses, plutôt que d’avoir des coquilles vides”, réagit Juliette Landry, en précisant qu’il n’y a dans tous les cas aucune sanction prévue en cas de retard.

Vous connaissiez les COP climat ? Vous allez adorer celles sur la biodiversité.

À côté des bons et mauvais élèves, se trouve aussi un grand absent : les États-Unis. Pourtant, à l’initiative des premiers parcs nationaux et moteur dans l’élaboration d’un traité international dès les années 1980, le pays ne signera finalement pas le traité sur la biodiversité, qui intervient alors en pleine élection présidentielle. Les Républicains au Sénat américain refuseront toujours de le ratifier.

Signé en même temps que le premier accord international sur le climat, son cousin dédié à la biodiversité va ainsi complètement passer sous les radars. En 1992, le Sommet de la Terre qui réunit pour la première fois les chefs d’État sur l'environnement, marque en effet la création non pas d’une conférence des partis (COP), mais de trois ! À côté du climat et de la biodiversité, les pays de l’ONU prévoient aussi de se réunir régulièrement pour trouver des solutions à la désertification, dont la prochaine rencontre aura lieu en Arabie-Saoudite, en décembre prochain.

Pour ce qui est de la biodiversité, 168 pays signent en 1992 la convention sur la diversité biologique (CDB) afin de poursuivre trois grands objectifs :

  • La conservation de la biodiversité ;
  • L’utilisation durable de ses éléments ;
  • Le partage juste et équitable des avantages issus du vivant, comme les molécules largement utilisées dans la médecine ou dans les cosmétiques.

Il est prévu de se réunir d’abord tous les ans, puis seulement tous les deux ans - parce qu’il ne faudrait pas non plus exagérer. Bien moins connues que les COP Climat, les rencontres de l’ONU sur la biodiversité peinent aussi à mobiliser. Déjà en 2010, le secrétaire exécutif de la CBD se désole “sur les 110 rapports nationaux reçus, il n'y en a pas un seul, du Royaume-Uni à Haïti, dans lequel les objectifs ont été atteints.”

Quasiment aucun objectif n’a été atteint depuis le début

Pour mettre un petit coup de boost, l’année 2010 et même la décennie allant jusqu’à 2020 est alors officiellement fléchée vers la biodiversité. Une ribambelle de sondages et d’études est ainsi publiée pour mettre la pression sur les gouvernements. Et le constat est inquiétant : selon une étude menée en 2007, près de 64 % des citoyens de l'Union européenne n'avaient jamais entendu parler de biodiversité.

Et cela fonctionne, la COP Biodiversité qui se tient au Japon en 2011 permet pour la première fois de prendre 20 engagements ambitieux pour répondre à la sixième extinction de masse, dont voici quelques exemples :

  • D’ici à 2020 au plus tard, les incitations — y compris les subventions — néfastes pour la diversité biologique, sont éliminées, réduites progressivement ou réformées.
  • D’ici à 2020, l’extinction d’espèces menacées connues est évitée et leur état de conservation, en particulier de celles qui tombent le plus en déclin, est amélioré etmaintenu.
  • D’ici à 2020, au moins 17% des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10% des zones marines et côtières sont conservées au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés, d’aires protégées gérées efficacement et équitablement.

Un beau programme qui restera malheureusement à l’état de promesse. Dix ans plus tard, l’organe de direction de la CDB constate que “moins d’un quart (23%) des objectifs nationaux sont bien alignés sur les Objectifs d’Aichi et seulement 10% de tous les objectifs nationaux y sont semblables.”

Pourtant, “nous savons comment agir, ce qui fonctionne et comment obtenir de bons résultats”, regrette Inger Andersen, Directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement.

Ces solutions sont ainsi reprises pour la COP 15 qui se tient à Montréal en 2022. L’accord censé poser les ambitions mondiales pour la biodiversité d’ici à 2030 est salué comme “historique”. Les 196 États signataires se sont en effet accordés à adopter des objectifs et cibles chiffrés sur des engagements importants, à mobiliser des ressources financières pour assurer leur mise en œuvre et à adopter un processus et des indicateurs de suivi régulier des engagements, imposant transparence et redevabilité. Parmi les principaux engagements, nous retrouvons la protection de 30% des terres et océans d’ici 2030, la réduction de moitié du “risque global lié aux pesticides et aux produits chimiques hautement dangereux”, ou encore la mise en place d’un mécanisme commun de financement des mesures de biodiversité.

“Il n’y a pas autant d’enjeux cette année, à la COP 16. En revanche, des dossiers entamés, mais non finalisés par manque de temps ou d’accord pourraient se résoudre”, explique Juliette Landry. “Plus qu’une COP de transition, c’est un tremplin vers le prochain grand rendez-vous en 2026.”

Image d'illustration : Photo by IISD / Mike Muzurakis

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