COP16 biodiversité : un résultat en demi-teinte
Le sommet international sur la biodiversité s’est terminé samedi 2 novembre au terme de dix jours et plusieurs nuits blanches de négociations. Malgré quelques avancées, des sujets essentiels n’ont pas pu être abordés.
“Un échec” selon certains, “des avancées significatives” pour d’autres, la 16eme conférence des parties (COP) sur la biodiversité s’est achevée samedi dans une ambiance contrastée.
Initiée à 22h (heure de Cali en Colombie), la dernière séance de négociation s’est terminée près de 12 heures plus tard au petit matin faute de participants. De nombreuses délégations ont en effet dû quitter la salle pour prendre leur avion. Malgré l’adoption de textes attendus de longues dates, certains enjeux essentiels n’ont donc tout bonnement pas pu être abordés. Les pays devront poursuivre les discussions l'année prochaine lors d'une réunion intérimaire à Bangkok.
Une nouvelle reconnaissance des peuples autochtones
La Colombie qui a accueilli le sommet international pendant deux semaines l’avait promis : il s’agira d’une “COP du peuple”. Le pays a donc poussé pour entériner la création d’un groupe permanent de représentation des peuples autochtones et des populations locales. Celles-ci ne disposaient jusqu’ici que d’un groupe de travail informel. Une reconnaissance historique pour ces groupes, définis comme présentant une longue association avec l’environnement (terre et eau) dans lequel ils vivent. Depuis sa signature dans les années 1990, la convention pour la diversité biologique (CBD) est pionnière parmi les instituons de l’ONU dans la prise en compte de leurs voix et intérêts.
Vers une taxation de la biopiraterie
Au milieu de la nuit de vendredi à samedi, les négociations ont également permis d’avancer sur un des plus anciens dossiers des COP Biodiversité : celui de la biopiraterie. Les données génétiques issues de la nature, connues sous le nom d’informations de séquences numériques, jouent un rôle de plus en plus important dans la découverte de médicaments et de produits commerciaux. Extraites de la nature, ces données sont pour le moment disponibles gratuitement sur d’immenses bases de données en ligne. Leur utilisation génère pourtant des milliards de dollars de revenus, ce qui exaspère les pays riches en biodiversité d’où proviennent ces données. Avec la création du “fonds de Cali”, la situation pourrait peut-être changer.
Lire notre décryptage sur la biopiraterie pour tout comprendre.
Placé sous l’égide des Nations unies, ce fonds spécial doit recevoir une partie des bénéfices générés par l’utilisation commerciale des séquences génétiques issues de la nature. Les entreprises les plus importantes y sont incitées à verser 0,1 % de leurs revenus (ou 1 % de leurs bénéfices), ce qui pourrait engendrer jusqu’à 1 milliard d’euros par an. Les secteurs pharmaceutiques, cosmétiques, celui des compléments alimentaires, des biotechnologies et de l'agro-industrie sont concernés.
L’argent collecté devrait être réparti équitablement entre les pays (en fonction de la quantité d’animaux sauvages qu’ils possèdent et la quantité de données génétiques qu’ils produisent) et les populations autochtones. Non contraignant, ce nouveau mécanisme va désormais devoir faire ses preuves en s’inscrivant notamment dans les législations nationales. Si l’absence des États-Unis dans le traité sur la biodiversité limite son application, certains observateurs comptent sur l’Union européenne pour le mettre en avant.
Désaccord sur le financement
C’est la question la plus épineuse de cette COP Biodiversité et elle n’a pas trouvé d’issue. Alors que les pays d’Afrique et d’Amérique du Sud se plaignaient des mécanismes de financement existants sur la biodiversité, les pays occidentaux ont refusé d’en changer. “Il fallait apporter une réponse à la [crise de la] biodiversité, pas créer un énième fonds”, a justifié le ministère français de l’Environnement. Avec d’autres pays du Nord, la France a promis la semaine dernière de nouvelles contributions au fonds existant, ce qui ne permet toujours pas d’atteindre les 20 milliards de dollars par an promis il y a deux ans.
“Ce signal négatif va retentir sur les autres négociations environnementales d'ici la fin de l'année (climat, plastiques, désertification), car il met en évidence un profond désaccord sur la possibilité même, politique et technique, de faire des transferts Nord Sud d'une manière entièrement différente de ce qui se faisait jusqu'à maintenant”, a regretté Sébastien Treyer, directeur de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (Iddri).
Aucune règle pour mesurer les avancées
Quel thermomètre pour évaluer la concrétisation des promesses sur la biodiversité ? Nous ne savons toujours pas exactement. En tant que “tremplin” vers le prochain sommet international sur la biodiversité qui aura lieu en 2026 en Arménie, la rencontre de Colombie devait s’accorder sur les critères de suivi des différents objectifs. A ce jour, une trentaine d’États seulement (sur 196) ont soumis une stratégie complète détaillant leurs actions en faveur de la biodiversité et rien n’a été adopté pour harmoniser leur évaluation. Un gros manque qui risque d’alimenter l’idée selon laquelle les COP biodiversité sont l’occasion de faire de belles promesses… sans se soucier de devoir les réaliser.
Image : La Présidente de la COP Susana Muhamad (Colombie) valide la décision de créer l'Organe subsidiaire pour les populations autochtones.- IISD/ENB | Mike Muzurakis