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La conservation de la nature, une idée raciste ?

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La conservation de la nature, une idée raciste ?
Alban Leduc
19/6/2024

Pour sa quatrième veillée, La Corneille interroge l’héritage des solutions prônées pour préserver la biodiversité. Aires protégées ou jardins botaniques, l’anthropologue Fiore Longo et l’historienne Hélène Blais nous invitent à regarder nos actions dans le miroir du passé colonial.

Souvenez-vous du Roi lion. Une harmonie parfaite entre tous les animaux de la savane dans laquelle chacun a sa place, même les méchants. Pourtant, sur la photo de famille, un grand absent : l'humain. Dans son ouvrage "Décolonisons la protection de la nature", l'anthropologue et directrice de l'ONG Survival International, Fiore Longo, prend l'exemple de ce dessin animé mythique pour montrer comment nos récits façonnent une idée biaisée de la nature.

Un concept issu de la colonisation, selon le chercheur Guillaume Blanc. À partir du 17e et 18e siècles, les Européens construisent en effet la vision fantasmée de ‘’l’Afrique verte, vierge, sauvage, mais malheureusement surpeuplée, dégradée qu’il faut absolument protéger des Africains’’, indique l’auteur de “L’Invention du colonialisme vert”.

Une idée qui aurait survécu jusqu'à aujourd'hui, malgré la décolonisation. De l'action des ONG environnementales, aux sommets internationaux, l'instauration d'aires protégées pour réduire les pressions sur la biodiversité continue d'être plébiscitée. Lors de la COP 15 de Montréal en 2022, c'est cette solution que les États ont choisi de prioriser, pour ainsi espérer conserver près de 30% de la surface de la Terre. "Le fait que cette terminologie ait été inventée pendant la période coloniale et que depuis l'invention des aires protégées, la biodiversité n'a fait que décliner à un rythme accéléré ne semble pas les gêner", réprouve dans son livre Fiore Longo.

Apartheid environnemental

En plus d’une efficacité contestée, la délimitation de certaines zones protégées peut se faire au détriment des communautés locales. Le parc naturel qui a inspiré le Roi Lion au Kenya en est un des meilleurs exemples, selon Fiore Longo. Pour préserver une nature sauvage fantasmée selon le "mythe du primitif", la population locale Maasaï y a été expulsée dans les années 1980. On y a par ailleurs installé des hôtels et des infrastructures pour les touristes blancs européens. Les seuls à même d'apprécier la nature et d'aider à la protéger, d'après le mythe du "Nous savons mieux que vous", écrit la chercheuse. Enfin, pour développer l'activité économique, le pays y a construit une centrale géothermique. "Plus, il y aura de l'argent, plus il y aura de profits, plus la nature sera sauvée, c'est le "mythe du capitalisme vert".

Ces mythes ont ainsi des conséquences bien réelles. En privant certaines catégories de personnes de l’accès à ces espaces, on parle alors de “ségrégation raciale”.

Si vous êtes noirs ou que vous n’avez pas d’argent, vous ne pouvez ni chasser, ni vivre, ni entrer dans cet espace délimité en tant qu’aire protégée. Si vous êtes blanc ou que vous avez beaucoup d’argent, il est en revanche possible d’y entrer, d’y chasser, d’y séjourner, voir de la polluer.

Fiore Longo, Décolonisons la protection de la nature, mai 2023

Un système discriminant dont les jardins botaniques sont une des représentations les plus répandues. En pillant les savoirs et la diversité biologique locale, ces institutions ont manifesté pendant longtemps la supériorité de la présence européenne, analyse l’historienne Hélène Blais, autrice de l’ouvrage ”Une histoire des jardins botaniques coloniaux”. Enclaves de nature maîtrisée, ils symbolisent l’idée d’une nature sauvage à ordonner, mais où les aléas naturels des climats tropicaux (cyclones, tempêtes, parasites) font de la résistance. Pour entretenir malgré tout ces lieux de démonstration de puissance, les États coloniaux ont alors recours à une main d’œuvre souvent contrainte, nombreuse et quasi gratuite.

Carte postale du jardin d'Essai d'Alger, début du 20e siècle. © Wikimedia Commons

Alors que faire ?

Se regarder dans le miroir est une étape essentielle pour commencer à faire évoluer nos pratiques en Afrique et dans le monde. Rééquilibrer les connaissances et les récits sans tomber dans une idéalisation des connaissances des peuples autochtones constitue l’un des principaux défis. Pour aborder ce chantier, La Corneille vous invite à assister gratuitement à une soirée dédiée à cette thématique, le 25 juin prochain. Sous la forme d’une veillée au coin du feu, nous questionnerons la notion de nature et de “sauvage” en compagnie d’Hélène Blais, de Fiore Longo, et du slameur Sendo.

Inscrivez-vous vite à la Veillée consacrée à la décolonisation de la protection de la nature, organisée le 25 juin dans le 11ème arrondissement de Paris en suivant ce lien.

Image d'illustration : Jardin botanique, Brisbane, Queensland, Australie

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