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“C’est violent de considérer la nature sans êtres humains”

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“C’est violent de considérer la nature sans êtres humains”
La Corneille
9/7/2024

Expulser les populations locales pour protéger la nature ? C’est l’absurdité à laquelle conduit notre vision de l’environnement héritée de la colonisation. Lors d’une veillée exceptionnelle le 25 juin 2024, La Corneille a donné la parole à l’historienne Hélène Blais, la militante Fiore Longo et l’artiste Sendo pour interroger nos pratiques de conservation.

Derrière l’image de la protection des petits oiseaux, se cache une violence extrême. Pour sa quatrième Veillée de la saison, La Corneille a décidé de mettre en lumière la face cachée de la conservation de la nature. En introduction de cette soirée, l’historienne Hélène Blais nous a d’abord invité à nous questionner sur l’héritage des jardins botaniques. Antérieurs à la colonisation, ces oasis de nature fantasmée se sont largement développés à partir du 18ème siècle avec l’installation des Européens en Afrique et en Asie notamment.

Une nature organisée pour les privilégiés

Les colons cherchent alors avec ces jardins à organiser la nature à leur avantage et en fonction de leur vision de l’environnement. “On organise par exemple la végétation pour faire de l’ombre, parce qu’une des grandes angoisses des Occidentaux est d’avoir trop chaud”, explique Hélène Blais sous la verrière du Centvingtsept à Paris.

L'historienne Hélène Blais, autrice de "L’Empire de la Nature. Une histoire des jardins botaniques coloniaux".

Ces enclaves organisées contrastent alors avec les endroits dans lesquels elles sont introduites. “Dans le jardin botanique de Singapour, on installe une nature exotique fantasmée tandis que le reste du territoire est recouvert de pelouses aménagées par les Anglais.”  Mais la nature se rappelle aussi parfois aux humains, lorsque les aléas naturels des climats tropicaux (cyclones, tempêtes, parasites) font de la résistance et contredisent alors “les discours sur la toute puissance”. En retour et pour maintenir ces lieux où les différentes espèces de plantes sont étiquetées et exploitées, on embauche en majorité une main d’œuvre gratuite composée d’esclaves ou de prisonniers. “Les jardins botaniques ont donc un héritage très lourd mais précieux pour le pays et pour les habitants”, synthétise Hélène Blais. “La question est de savoir quoi en faire maintenant ?”

La protection de la nature est une nouvelle forme de colonialisme

Maintenant ? L’urgence est de mettre un frein aux méthodes de conservation fondées sur la stigmatisation et le rejet des populations locales, plaide ensuite l'anthropologue et directrice de l'ONG Survival International, Fiore Longo. “Les actions des grandes ONG environnementales c’est du colonialisme parce qu’on accapare les terres et on considère les populations locales comme ignorantes”, indique-t-elle à partir de ses observations de terrain. Les Massaï, des éleveurs pastoraux du Kenya ont par exemple été expulsés d’un parc naturel national à cause de la prétendue nuisance de leurs vaches sur l’environnement. En retour, ce parc accueille des touristes de luxe et édite des titres de compensation carbone pour de grandes entreprises internationales.

L'anthropologue et directrice de l'ONG Survival International, Fiore Longo, autrice de "Décolonisons la protection de la nature !"

“Avec ces solutions, on ne remet pas du tout en cause la production et notre système nuisible à l’environnement et on exerce de la violence envers les populations locales en considérant que la nature sauvage doit être vide d’êtres humains.” Selon Fiore Longo, les cinq grandes ONG internationales qui captent 70% des financements mondiaux pour la biodiversité participent à perpétuer ce modèle. Pour en changer, la militante appelle à rejoindre les actions de son association, à questionner nos imaginaires notamment de voyage et à s’informer, pour décoloniser nos points de vue sur la nature, le sauvage et la biodiversité.

L'artiviste (artiste et activiste), Sendo.

Lors de chaque veillée, nous insistons aussi sur le fait que l’art a son rôle à jouer. Pour clôturer la soirée, le slameur et artiviste (artiste et activiste) Sendo a invité le public à prendre de la hauteur à travers la poésie et la musique. Engagé contre le racisme via son histoire personnelle, le chanteur raconte évoquer de plus en plus la biodiversité dans ses textes. A capella et en chanson, il a interprété avec émotions des considérations sur nos actions. “L’humain menace de couper le fil sur lequel nous vivons, dansons, pleurons […], malheureusement ce fil ne se répare pas avec de l’or.”

Pour prolonger la veillée :

_ Lire notre article "La conservation de la nature, une idée raciste ?"

_ Acheter le livre de Fiore Longo : "Décolonisons la protection de la nature"

_ Parcourir l'ouvrage d'Hélène Blais : ”Une histoire des jardins botaniques coloniaux”

_ Découvrir le travail artistique de Sendo sur sa page Instagram

“C’est violent de considérer la nature sans êtres humains”
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