Qui sera le meilleur naturaliste de France ?
La fondation Biotope a décerné lundi 19 février le trophée du meilleur naturaliste de France, au terme d’une finale serrée à l’aquarium tropical de Paris. Un premier titre qui met le naturalisme à l’honneur et place sa professionnalisation sous le feu des projecteurs.
Après le meilleur pâtissier, le meilleur apprenti ou sommelier de France, on se demande encore pourquoi aucun concours n’existait pour distinguer les spécialistes des sciences naturelles. C’est désormais chose faite.
Le 19 février, Philippe Geniez a officiellement été désigné comme le meilleur naturaliste de France par la fondation Biotope. “Je n’ai pas bénéficié de faveur, c’est l’expérience qui a joué”, a senti bon d’insister le naturaliste chevronné après sa nomination. Présent à la création du bureau d’étude, il y a trente ans, le spécialiste de 64 ans a en effet répondu le mieux à la centaine de questions du concours.
Où vit le Carex Maritima ? En Corse ? Près de Dunkerque ? Dans le Finistère ? “Eh bien non, il y avait un piège”, s’amusent les architectes du quiz lors de la soirée de correction. “Il s’agit d’une plante découverte en Norvège au bord de la mer et qu’on retrouve chez nous au sommet des montages”. Plus tôt, les dix finalistes sélectionnés par une première phase en ligne ont planché sur une soixantaine de questions volontairement difficiles. Trop, selon certains, qui critiquent une sélection “au pifomètre”. “On nous demande de différencier des espèces par leurs gènes, à partir d’une photo, c'est impossible”, réagit, dépité, un finaliste.
La première édition du concours avait en effet la lourde tâche de départager près de 730 candidats, professionnels comme amateurs. “C’était plutôt basé sur la culture générale”, justifie Frédéric Melki, directeur de Biotope, en reconnaissant réfléchir à quelques améliorations pour la prochaine édition. Car si le concours se veut être une occasion de démocratiser les savoirs naturaliste en “leur donnant ses lettres de noblesse”, il reflète surtout les défis internes à la discipline, en lien avec sa difficile professionnalisation.
Où sont les femmes ?
“On a eu l’idée de ce concours en se remémorant nos soirées passées à échanger ou décrypter des photos d’espèces”, se remémore au micro Frédéric Melki, lors d'une table-ronde en amont de la finale. Autour de lui, un représentant de l’Office français de la biodiversité (OFB), de l’Office pour les insectes et leur environnement (Opie) et des éditions de la fondation Biotope. “Que des hommes”, fait remarquer un jeune finaliste, en regrettant ne voir qu’une femme dans le carré final. “C’est un concours, on n’est pas responsable de qui s’est inscrit”, répond Frédéric Melki. “Il y a plein de femmes dans le milieu, mais c’est vrai qu’elles n’osent pas toujours s’inscrire à ce genre de concours”, acquiesce Anissa Jenecourt, tout juste diplômée d’un BTS en gestion et protection de la nature.
Prendre l’avion pour des expéditions ? Améliorer d’abord le palmarès de ses découvertes personnelles ? Les divergences entre l’ancienne et la nouvelle génération de naturalistes sont légion. “Le secteur se professionnalise, c’est normal”, explique Donald Davesne. “On repose encore trop sur des gens passionnés et des bureaux d’étude privés comme Biotope. S’il n’y a pas de développement dans le monde académique, ça va se casser la gueule”, prévient le chercheur de 23 ans, ornithologue à ses heures perdues.
Un métier qui peine toujours à s’affirmer
“Quel métier ? Quand nous étions jeunes, il n’y en avait pas. Il a fallu l’inventer”, retrace Frédéric Melki. Face au “goulot d’étranglement” du monde académique, les acteurs privés se disent ainsi prêts à aider les scientifiques dans leurs recherches et faire financer ces accompagnements par les "entreprises ou les États pollueurs". “C’est encore trop souvent notre parole contre les lobbys”, regrette Martin Ronet, jeune finaliste. Selon lui, il est encore trop difficile de trouver un emploi pour les jeunes diplômés, “il faut avoir de l’expérience et savoir aussi bien réparer une grue, que remplir des tableaux de données statistiques.”
Tous se rassemblent pourtant autour d’une chose : la passion de la nature. “Une drogue”, pour Philippe Geniez, qui raconte des étoiles plein les yeux, avoir passé deux jours à classer des milliers de photos, grâce au temps accordé par la grève de la SNCF. Une dizaine d’amateurs comparant avec excitation leurs questionnaires, pour savoir si oui ou non, il est possible d’identifier ce poisson à partir d’une photo. C’est au fond ça l’image à retenir de cette première finale du concours de meilleur naturaliste de France. En espérant qu’elle puisse créer des vocations et pourquoi pas devenir un jour aussi important que le concours Miss France ?