Et si vous faisiez de votre jardin une réserve naturelle ?
Un dispositif légal méconnu permet de protéger son terrain jusqu’à 99 ans. Il est depuis cette année remis au goût du jour par l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas).
Protéger son terrain jusqu’à l’année 2123. Ça parait fou, mais c’est possible depuis l’inscription dans la loi de l’Obligation Réelle Environnementale (ORE) en 2016. Mal connu, ce dispositif permet à tout propriétaire de garantir dans le temps long des critères de préservation de la biodiversité pour son terrain.
Pour cela, il suffit de signer un contrat avec une collectivité, un établissement public ou une association agissant pour la protection de l'environnement. Planter des haies, creuser des mares ou ne rien faire, les “obligations” gravées dans le marbre sont ensuite laissées à la libre appréciation du propriétaire, tant qu’elles concourent à la préservation de la biodiversité. Elles devront ensuite être suivies à la lettre par l’acheteur potentiel du bien ou par les héritiers.
Des havres de vie sauvage protégés pour 99 ans
Cinq ans après l’introduction de cette possibilité, en 2021, le ministère de la Transition écologique ne comptabilisait pourtant qu’une quarantaine de contrats signés. Aujourd’hui, la Fédération des conservatoires d'espaces naturels en recense à elle seule près d’une centaine. En quelques années, le référent de la structure a observé un réel engouement. “Il fallait un peu de temps pour que le sujet infuse et c’est aussi quelque chose de très original par rapport à d’habitude”, explique Renaud de Laâge, qui accompagne les grandes structures et organisations dans ce dispositif.
Au niveau du grand public aussi, l’intérêt est de plus en plus grand. “Beaucoup nous disent qu’ils veulent faire des réserves de vie sauvage à leur échelle”, explique Marc Giraud, représentant de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas).
Des conditions souples
Pour les accompagner, l’organisation a créé en mars un nouveau label pour les propriétaires d’un terrain supérieur à cinq hectares. “L’idée est de faire des espaces de libre évolution, où nous n’intervenons pas et ainsi créer un patchwork sur tout le territoire”, précise Marc Giraud. Le premier “Havre de Vie Sauvage” a ainsi été inauguré fin septembre et pour 99 ans sur le terrain d’un moulin des Deux-Sèvres.
Garante de la bonne application du contrat, l’organisation s’est associée avec la mairie pour simplifier les démarches. “Le travail de suivi est hyper important. Cela dépend des contrats, mais cela peut être difficile de s’engager, d’aller vérifier sur le terrain dans 40 ou 50 ans”, explique Renaud de Laâge.
La mise en place du contrat et des conditions peuvent également prendre entre six mois et plus d’un an. Un frein que les conservatoires d'espaces naturels aimeraient corriger en demandant des incitations fiscales fortes pour les porteurs de projet. Pour le moment, seules les communes peuvent décider d’exonérer les propriétaires de certaines taxes lorsqu’ils contractent une obligation réelle environnementale.
Dans tous les cas, des associations locales de défense de l’environnement et parfois des collectivités proposent d’accompagner la mise en place des dossiers sur tout le territoire. Que vous soyez agriculteur, entrepreneur ou simple particulier, n’hésitez donc pas à vous renseigner. La France compterait 17 millions de jardins privés pour une surface de près d’un million d’hectares, soit 2 % du territoire. Un potentiel immense de protection pour la biodiversité !